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Titel
Château-d’OEx. Mille ans d’histoire suisse


Autor(en)
Birmingham, David
Reihe
La Mémoire du lieu
Erschienen
Lausanne 2005: Edition Payot
Anzahl Seiten
274 p
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Gilbert Coutaz

Voici en quels termes nous caractérisions l’ouvrage qui paraît aujourd’hui en traduction française, avec des modifications et des améliorations notoires entre les deux dates de publication: «En 2000, le professeur universitaire, David Birmingham publie en anglais et dans une maison d’édition anglo-saxonne (MacMillan Press Ltd.) une monographie fortement documentée et très sensible sur Château-d’OEx, ce qui constitue une démarche doublement originale, car jusqu’alors, en dehors des guides touristiques, ce sont des auteurs locaux, du terroir, qui signent les monographies communales et régionales, et qu’elles sont dans la plupart des cas, surtout depuis ces trente dernières années, soutenues par la Municipalité.» 1 Professeur d’Histoire moderne à l’Université de Kent à Cantorbéry, David Birmingham, auteur de nombreuses monographies, dont plusieurs concernent l’Afrique centrale, s’est attaché à rédiger l’histoire complète et jusqu’en mars 1999 (le tour du monde réussi en ballon de Breitling Orbiter 3 est encore mis au crédit de la chronique!) de Château-d’OEx. Il fait connaissance du chef-lieu du Pays-d’Enhaut qui est aussi la plus grande commune du canton de Vaud – il raconte dans son introduction ses «hasards autobiographiques» –, en suivant les cours du collège du lieu et en y passant de nombreuses vacances. Cette relation lointaine, discontinue (il a quitté Château-d’OEx en 1954 pour n’y revenir qu’en 1981) et affective explique la naissance du livre, le lent parcours au travers de l’histoire suisse dont il avait d’abord éprouvé, sans recul, les tendances nationalistes et les mythes fondateurs. Elle fonde les lectures croisées auxquelles l’auteur se livre en recherchant des liens constants entre l’histoire locale et l’histoire régionale, entre la réalité d’une communauté villageoise, à l’abri des montagnes et des grandes voies de circulation, et les évolutions politiques de la communauté des cantons suisses dont les effets agissaient, souvent de manière conflictuelle, sur les intérêts régionaux. Le titre de la version originale, Switzerland: A Village History, que la publication commerciale française n’a pas repris reflète cette tension permanente de l’ouvrage entre deux lectures.

A la fois proche et distant de son sujet, David Birmingham a pris la juste mesure de ce coin de terre qu’il a largement arpenté et sillonné, avant d’en rédiger l’histoire. Au-delà d’une connaissance intime des habitants et de la géographie, il a scruté longuement les archives tant locales (la notice a fortement été enrichie entre les deux éditions) que celles des Archives cantonales vaudoises, lu et jaugé tout ce qui avait paru, interrogé les mémoires locales et consulté des historiens dont Lucienne Hubler, elle-même damounaise de par sa famille maternelle, qui signe l’avant-propos. Il consigne et commente dans les pages finales le matériau documentaire et bibliographique dont il s’est servi; il fait valoir plusieurs cartes redessinées spécialement pour la publication de langue française qui bénéficie d’une quarantaine de photographies richement légendées et graphiquement valorisées (16 dans l’édition anglaise) dont la plupart provient du Musée du Vieux-Pays- d’Enhaut. La formation professionnelle de l’auteur est manifeste, elle lui permet d’offrir une recherche agréable à lire (un aperçu des monnaies les plus utilisées au Pays-d’Enhaut au XVIIIe siècle, une liste des termes géographiques et un glossaire renseignent complètement sur les significations problématiques), pour laquelle il sait marquer les limites des sources disponibles et interpréter l’information la plus récente; les résultats sont faciles à exploiter en raison de l’index cumulatif, onomastique et matières.

La table des matières traduit à la fois une lecture historique linéaire et thématique, avec un choix de titres parlants et caractéristiques de la lecture qui a été faite de la période ou de l’objet. Ainsi «La vallée des grues», «Le pays où coule le lait», «Le drapeau vert de la liberté», «L’idylle alpestre». La naissance de l’habitat remonte à un millier d’années avec le défrichement des forêts préalpines et l’assèchement des marais glaciaires. La région connut trois Etats envers lesquels ses habitants se comportèrent en fidèles sujets: le comté de Gruyère, dès le XIe siècle; la ville-Etat de Berne, dès 1555; et le canton de Vaud, dès 1803. L’histoire de Château-d’OEx est traversée par diverses divisions qui mettront des siècles à être surmontées, voire gommées. Les relations entre la montagne (Château-d’OEx est situé à 985 mètres d’altitude, le nom d’OEx – Ogo – signifiant probablement «le Haut-Pays») et la plaine ont souvent été difficiles et conflictuelles et faites principalement du commerce du fromage dont l’âge d’or se situe au XVIIIe siècle et le déclin se fit sentir au XIXe siècle. La présence bernoise n’a pas suffi à imposer la foi protestante à toute la région, une partie (la vallée inférieure) restant catholique. Si le bailli bernois usait de la langue allemande, les fonctionnaires locaux et les maîtres d’écoles restèrent fidèles à la langue française, les paysans recoururent à une langue romane basée sur le latin et mâtinée d’anciens termes celtes. Il faudra attendre le XIXe siècle pour que les barrières douanières, l’uniformisation des monnaies et des poids et mesures, et l’unification des postes cantonales sortent Château-d’OEx de son isolement ou de son éloignement. Le chemin de fer irrigue depuis 1904 toute la région et marque un des points culminants de la mutation économique du Pays-d’Enhaut, qui passa au XIXe siècle d’une économie presque exclusivement fondée sur l’agriculture à une économie mixte, due à la fréquentation en nombre de la région des touristes et des randonneurs, en particulier anglais. Mais, le village resta fondamentalement une communauté d’«éleveurs, de bûcherons et de fromagers» (c’est le titre même d’un chapitre), malgré des tentatives d’introduire au XIXe siècle l’industrie horlogère et textile.

«Comprendre la nouvelle conception de l’histoire suisse alors même que s’évanouissait l’image traditionnelle qu’on m’avait présentée quand j’étais enfant me parut un défi intellectuel fascinant» (pp. 13–14), voilà dans quel esprit David Birmingham a entrepris sa recherche. Elle est d’autant plus réussie que le choix de partir d’une étude locale et régionale permet à l’auteur à la fois de rejoindre l’histoire suisse devant laquelle il se pose de très nombreuses questions (les pages du dernier chapitre «Dans l’ombre de la guerre» – le titre de l’édition anglaise était encore plus explicite «Patriotism and the Shadow of War» – sont toutes imprégnées de l’interprétation de l’histoire suisse qui englobe et encadre l’histoire locale) et de faire valoir l’importance de l’histoire locale pour comprendre l’histoire suisse. C’est sans doute de cette double interrogation que l’ouvrage tire sa principale qualité et en fait une publication à part parmi les monographies communales du canton de Vaud.

1 Gilbert Coutaz, «Panorama des monographies communales et régionales vaudoises. Un premier bilan à l’occasion du bicentenaire du Canton de Vaud», in: Revue historique vaudoise, 111, 2003, p. 125.

Citation:
Gilbert Coutaz: compte rendu de: David Birmingham: Château-d’OEx. Mille ans d’histoire suisse. Traduction de l’anglais et révisé par Véronique Jacot-Wezranowska. Lausanne, Editions Payot, 2005. Première publication dans: Revue suisse d’histoire, Vol. 56 Nr. 2, 2006, S. 228-229.

Redaktion
Veröffentlicht am
20.12.2011
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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